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Comment les sanctions préparent le prochain boom économique russe

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Les sanctions ont aggravé la récession en Russie, mais en forçant les entreprises du pays à se désendetter, elles renforcent l’économie à long terme.


Alexander Mercouris
Alexander Mercouris

Par Alexander Mercouris – Le 8 février 2016 – Source Russia Insider

Ma récente analyse des sanctions – dans laquelle je disais qu’elles seraient certainement étendues en juillet – pose la question de leur gravité effective pour la Russie.

Mon point de vue est que les sanctions ont eu un impact bien plus grand sur l’économie russe que le gouvernement est prêt à l’admettre, et qu’elles ont beaucoup plus aggravé la récession qu’elle ne l’aurait été autrement.

Cependant, au fil des mois, leur effet diminue, et leur résultat final sera de laisser la Russie plus forte économiquement et en bien meilleure condition qu’elle ne l’aurait été si les sanctions n’avaient jamais été imposées. Avant de l’expliquer, il est nécessaire de dire quelque chose du raisonnement qui préside aux sanctions et pourquoi les Russes ont tout à fait raison de leur résister, à mon avis.

Au bout du compte, les sanctions sont une forme de chantage. Les États-Unis et leurs alliés les ont imposées à la Russie dans le but de la forcer à faire ce qu’ils voulaient en Ukraine. C’est-à-dire que le chantage, si justifié soit-il, est déguisé, quel que soit le nom qu’on lui donne.

Quelle que soit la vision qu’on puisse avoir sur la politique russe en Ukraine, capituler devant les demandes étasuniennes pour obtenir la levée des sanctions aurait été extrêmement dangereux pour la Russie. Quiconque a une certaine connaissance ou une expérience du chantage sait que la plus grande erreur qu’on puisse commettre avec un maître chanteur est d’accéder à ses demandes. Cela ne fait qu’ouvrir la voie à de plus en plus de demandes.

Si la Russie avait capitulé devant les États-Unis à propos de l’Ukraine à cause des sanctions, elle aurait montré de la faiblesse. Les États-Unis auraient appris que la Russie est un pays qui se soumet aux pressions. Plus de demandes – appuyées par davantage de menaces de renforcement des sanctions et des pressions – s’en seraient suivies.

Ces pressions auraient petit à petit touché la totalité du spectre des relations entre les États-Unis et la Russie, y compris la guerre en Syrie, le contrôle des armes, la tenue de procès à Moscou, une compensation aux actionnaires de Youkos, la manière dont les votes aux élections russes sont comptés, ou n’importe quoi d’autre.

La meilleure réponse possible à un maître chanteur est de refuser de reconnaître son chantage – et c’est exactement ce qu’a fait la Russie.

Indubitablement, les Russes comprennent cela. C’est pourquoi – comme je l’ai expliqué récemment – les dirigeants russes comme Poutine, Lavrov, Ivanov et Patrouchev disent que la Russie refuse de discuter des sanctions avec les dirigeants occidentaux.

Mais quel est le prix payé par la Russie pour agir de cette manière ?

Poutine a dit que la récession en Russie est due pour 75% à la chute du prix du pétrole et pour 25% aux sanctions.

Je mettrais l’effet des sanctions beaucoup plus haut, mais il est important de dire que ce qui a donné aux sanctions leur acuité est la chute du prix du pétrole, sans laquelle il est peu probable qu’il y aurait eu une récession. Le grand effet des sanctions est que cela a coupé les banques et les entreprises russes de leurs sources de financement traditionnelles à l’Ouest.

En outre, puisque les banques occidentales n’ont pas seulement coupé les banques et les entreprises russes de financement supplémentaire mais refusent de refinancer la dette existante, les banques et les entreprises russes ont été laissées sans autre choix que de faire défaut sur leurs dettes ou de les rembourser.

Lorsque les prix du pétrole se sont effondrés en 2014, il existait le point de vue largement partagé qu’elles feraient défaut, compromettant ainsi la crédibilité de la Russie auprès de ses créanciers. Au lieu de quoi – encouragées par le gouvernement – elles ont choisi de rembourser leurs dettes.

Ce que cela a signifié en pratique est que les banques et les entreprises russes remboursent leur dette extérieure et le font à un taux très élevé.

En juillet 2014, lorsque les sanctions ont été imposées, la dette extérieure russe totale (État et privée) était de $733 milliards.  Au premier janvier 2016, elle était tombée à $515 milliards.

Il faut dire clairement que ce n’est absolument pas ce qui serait arrivé si les sanctions n’avaient pas été imposées. S’il n’y avait pas eu de sanctions, la réponse des banques et des entreprises russes à la baisse de leurs revenus causée par la chute du prix du pétrole aurait été d’emprunter davantage et de demander aux créanciers occidentaux d’accepter de refinancer la dette existante.

Cela aurait mis beaucoup moins de pression sur le rouble, provoquant de l’inflation et faisant moins monter les taux d’intérêts, ce qui aurait rendu la récession beaucoup moins intense. Le prix payé aurait cependant été une augmentation importante de la dette extérieure qui aurait freiné la croissance à long terme.

Au lieu de quoi, les banques et les entreprises russes ont été forcées de rembourser leur dette extérieure malgré la baisse de leurs revenus provoquée par la chute du prix du pétrole. Cela a eu pour conséquence qu’elles ont eu moins d’argent pour investir et cela a également mis une pression plus grande sur le rouble, ce qui l’a fait chuter beaucoup plus qu’il ne l’aurait fait autrement.

La plus grande chute du rouble a provoqué à son tour de l’inflation et a fait monter les taux d’intérêt plus haut qu’ils ne l’auraient fait sans cela – touchant le niveau de vie et causant une inflation plus sévère qu’elle n’aurait été autrement.

Le bénéfice, toutefois, est qu’au lieu d’augmenter, la dette a été remboursée – supprimant un obstacle majeur à la croissance future – en même temps que la chute du rouble a accru la compétitivité des entreprises russes ainsi que leurs chances d’une expansion plus rapide sur le marché intérieur en asséchant les importations.

Le résultat est qu’à la fin de ce processus, la Russie aura une économie libérée de sa dette et plus compétitive.

Autrement dit, le prix que la Russie a payé pour résister au chantage des sanctions a été une récession plus profonde, mais c’est arrivé avec le bénéfice d’une économie beaucoup plus forte dans un futur pas si lointain.

A propos du rythme auquel la dette extérieure est remboursée, le calcul le plus détaillé est celui fourni par Constantin Gurdjiev, qui calcule que le montant réel du principal qui doit être remboursé cette année est juste en dessous de $60 milliards. Puisque cela provoquera une baisse de la dette nominale autour de $75 milliards, la Russie pourrait terminer l’année avec une dette extérieure nominale totale d’exactement $440 milliards ou à peu près.

Supposant qu’environ un quart de cette dette résiduelle (disons $100 milliards) est de la dette comptable interne aux entreprises, et supposant que les réserves de la Banque centrale restent au niveau de $370 milliards auquel elles ont été depuis le second trimestre de 2015, alors la dette extérieure totale actuelle de la Russie à la fin de l’année sera inférieure au montant total des réserves de changes de la Banque centrale.

Il est inconcevable qu’un désendettement de cette ampleur se produise en un temps de faibles prix du pétrole si les sanctions n’existaient pas. C’est le principal effet de celles-ci et c’en est un pour lesquels les futures générations de Russes auront raison d’être reconnaissants.

La meilleure phrase qui résume ce que cela signifie a été prononcée par Constantin Gurdjiev:

«Bien que ce niveau de désendettement présente des défis importants pour l’économie du point de vue des fonds disponibles pour l’investissement et pour soutenir des opérations, le processus global de désendettement est, en effet, un investissement en soi dans la capacité future des entreprises et des banques de lever des fonds.» (C’est l’auteur qui souligne).

Autrement dit, rembourser la dette maintenant garantit une croissance plus élevée à l’avenir.

Mon seul désaccord avec Constantin Gurdjiev – et avec Ben Aris lorsqu’il discute aussi de ce sujet – est que tous les deux croient, ou semblent croire, que la Russie n’en bénéficiera que lorsque les sanctions seront levées et que les banques et les entreprises russes pourront de nouveau accéder à l’Ouest pour se financer.

Mon point de vue, au contraire, est qu’il y a des capitaux plus que suffisants en Russie pour financer le développement de son économie, et qu’elle devrait se tourner vers ses propres ressources pour financer ses investissements, et non vers l’Ouest ou même vers la Chine.

La priorité est de régler les problèmes dans le système financier de telle manière que les capitaux qui existent en Russie puissent être exploités et utilisés au profit de l’économie, ce qui mettra fin à la dépendance historique de la Russie au financement étranger.

À mon avis, les processus déjà en cours dans l’économie ouvrent la voie précisément à cela, mais ceci est un vaste sujet, pour un autre jour.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Diane pour le Saker francophone

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