Les USA accusent Cuba et la Russie d’« affaiblir la démocratie » au Venezuela
Par Andrew Korybko – Le 16 mars 2019 – Source orientalreview.org
Pompeo a tenu des propos très désobligeants envers les deux alliés de l’État d’Amérique du Sud, accusant Cuba de constituer « la véritable puissance impérialiste » et de se comporter en « suzerain communiste », non sans déclarer que les accords entre la Russie et le Venezuela portant sur les matières premières faisaient du partenaire de Moscou un « guichet automatique personnalisé » pour ses « oligarques ».
De toute évidence, le Secrétaire d’État s’emploie à détourner les regards de l’échec de son administration à mener à bien le changement de régime désiré par lui dans la République bolivarienne, et s’en prend pour cela aux deux pays ayant agi le plus pour aider Maduro à survivre à cette crise ; il requalifie l’assistance économique et en matière de sécurité qu’ils ont apportée au Venezuela d’« affaiblissement de la démocratie », parce que cette assistance a empêché le « président » auto-proclamé Guaido de s’emparer du pouvoir.
Plus précisément, on estime que Cuba a soutenu l’armée de la République bolivarienne en lui apportant entraînement et conseils sur une échelle importante, et ce depuis la réussite de la révolution démocratique de Chavez au début du siècle. La Russie, quant à elle, joue le rôle de « soupape de sécurité », essentielle à soulager le pays des pressions induites par les sanctions étasuniennes en continuant à acheter les matières premières vénézuéliennes. Cuba, en retour, s’est trouvé un allié loyal idéologiquement, qui lui a injecté des quantités massives de pétrole bon marché via le programme Petrocaribe, cependant que la Russie mettait le pied stratégiquement dans l’hémisphère Ouest et tirait des bénéfices importants des échanges, tant commerciaux que militaires. Mais ces relations mutuellement bénéfiques sont mises à l’épreuve par les pressions étasuniennes.
Bolton a annoncé que des sanctions subsidiaires pourraient être imposées aux « compagnies d’assurance et transporteurs aériens » continuant d’assurer les livraisons de Petrocaribe à Cuba malgré la suspension temporaire par l’Assemblée nationale acquise à Guaido, décidée après les cyberattaques étasuniennes qui ont mis à mal la distribution d’énergie électrique au Venezuela. Si cette suspension était mise en œuvre, elle résulterait en un raidissement des difficultés des habitants de Cuba, et un retour en arrière quant à leurs conditions de vie, qui avaient quelque peu progressé ces dernières années. Pour ce qui concerne la Russie, Lukoil a mis fin à ses opérations d’échanges avec le Venezuela en réponse aux sanctions étasuniennes, et on ne saurait exclure que d’autres sociétés énergétiques russes, comme Rosneft, suivent le mouvement, si la pression continue de s’intensifier sur elles.
Le ciblage par Pompeo de Cuba et de la Russie ne visait donc pas uniquement à détourner les regards de l’inefficacité des projets de changement de régime étasuniens au Venezuela, et de la résilience remarquable des vénézuéliens, pour les faire porter sur les assistances cubaine et russe, respectivement en matière de sécurité et économique. Il s’agissait également d’un prétexte, étalé aux yeux du public, pour faire monter la pression contre ces deux pays. Bolton avait déjà déclaré fin 2018 que les USA « se tiennent aux coté des combattants de la liberté » face à la soi-disant « Troika de la tyrannie » dont Cuba ferait partie, et ce n’est un secret pour personne que les USA s’emploient également à « contenir » la Russie. Avec le recul, tout s’emboîte.
Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Sputnik News le vendredi 13 mars 2019.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Traduit par Vincent pour le Saker Francophone