« … Alors que progressent les guerres monétaires, commerciales et réelles, préparez-vous à des mouvements majeurs du marché à la baisse, au fur et à mesure que la réalité de cette séquence prendra forme. »
Par James Rickard – Le 7 août 2017 – Source Daily Reckoning
Une thèse populaire depuis les années 1930 veut qu’il existe une progression naturelle, à partir des guerres monétaires, vers les guerres commerciales, pour finir en guerres réelles. L’histoire et l’analyse appuient cette thèse.
Les guerres de devises n’existent pas tout le temps. Elles surviennent sous certaines conditions et persistent jusqu’à ce qu’il y ait une réforme systémique ou un effondrement systémique. Les conditions qui donnent lieu à des guerres de change sont trop de dettes et trop peu de croissance.
Dans ces conditions, les pays tentent de détourner la croissance des partenaires commerciaux en réduisant la valeur de leur monnaie pour promouvoir leurs exportations et créer des emplois.
Le problème avec les guerres de change est que ce sont sont des jeux à somme nulle ou à somme négative. Il est vrai que les pays peuvent profiter d’un ballon d’oxygène à court terme en dévaluant leur monnaie, mais plus tôt que plus tard, leurs partenaires commerciaux font la même chose pour reprendre l’avantage des exportations.
Ce processus de dévaluations, en réponse du berger à la bergère, se nourrit du pendule de l’avantage commercial à court terme qui se balance d’avant en arrière et finalement personne n’y gagne.
Au bout de quelques années, la futilité des guerres de devises devient évidente, et les pays recourent aux guerres commerciales. Il s’agit de tarifs punitifs, de subventions à l’exportation et de barrières non commerciales au commerce.
La dynamique est la même que dans une guerre de devises. Le premier pays à imposer des tarifs obtient un avantage à court terme, mais les représailles ne tardent pas et l’avantage initial est éliminé car les partenaires commerciaux imposent des tarifs en réponse.
Les guerres commerciales produisent le même résultat que les guerres de change. Malgré l’illusion d’un avantage à court terme, à long terme, tout le monde est dans une situation pire. La condition initiale d’une trop grande dette et de trop peu de croissance ne disparaît jamais.
Enfin, les tensions augmentent, des blocs rivaux se forment et une guerre réelle commence. Les guerres réelles ont souvent un grief ou une justification économique sous-jacente.
La séquence du début du XXe siècle a commencé par une guerre de la monnaie qui, partie de l’Allemagne de Weimar par une hyperinflation de 1921 à 1923, s’est aggravée par une dévaluation française en 1925, suivie en 1931 par une dévaluation du Royaume-Uni, et américaine en 1933, pour finir par d’autres dévaluations française et britannique en 1936.
Pendant ce temps, une guerre commerciale mondiale a émergé après les taxes à l’importation de la loi Smoot-Hawley en 1930 aux États-Unis, et des taxes comparables chez les partenaires commerciaux des États-Unis.
Enfin, une guerre réelle est apparue avec l’invasion japonaise de la Mandchourie en 1931, puis celle de Pékin et de la Chine en 1937, l’invasion allemande de la Pologne en 1939 et l’attaque japonaise contre Pearl Harbor en 1941.
Finalement, le monde a été englouti dans les flammes de la Seconde Guerre mondiale, et le système monétaire international s’est complètement affaissé jusqu’à la Conférence de Bretton Woods en 1944.
Ce modèle se reproduit-t-il aujourd’hui ?
Malheureusement, la réponse semble être oui. La nouvelle guerre des devises a commencé en janvier 2010 avec les efforts de l’administration Obama pour promouvoir la croissance américaine grâce à un dollar faible. En août 2011, le dollar américain a atteint un plus bas historique de l’indice réel général de la Réserve fédérale.
D’autres nations se sont rebiffées, et la période du dollar bon marché a été suivie par l’euro bon marché et le yuan bon marché après 2012.
Encore une fois, les guerres monétaires se sont révélées être une impasse.
Maintenant, les guerres commerciales ont commencé. Le jeudi 27 juillet, le Congrès des États-Unis a adopté l’un des projets de loi de sanctions économiques les plus sévères jamais vues et l’a envoyé au Président Trump pour signature. Trump a signé, mais sans enthousiasme.
Mais les opinions de Trump n’ont pas vraiment d’importance. Le projet de loi a été adopté par des majorités anti-veto à la Chambre et au Sénat, alors même si Trump avait opposé son veto au projet de loi, le Congrès l’aurait vaincu et les sanctions deviendraient la loi du pays.
Cette nouvelle loi prévoit que les entreprises américaines ne peuvent pas participer aux efforts russes pour explorer le pétrole et le gaz dans l’Arctique. Mais cela va plus loin et exige que même les entreprises étrangères qui font affaire avec la Russie dans l’exploration de l’Arctique soient exclues des marchés américains et des contrats américains.
Ces nouvelles sanctions constituent une menace existentielle pour la Russie, car celle-ci dépend fortement des recettes pétrolières et gazières pour propulser son économie. La Russie cherche de nouveaux gisements afin de maintenir sa position quasi monopolistique en tant que premier fournisseur d’énergie en Europe. Elle a besoin de la technologie occidentale pour relever les défis de l’exploration de l’Arctique.
En effet, cette loi nuit à ses efforts sur le plan financier et technologique et affaiblit ses marchés énergétiques mondiaux.
La Russie a déjà promis des représailles.
Pourtant, les représailles russes ne consisteront pas en des sanctions réciproques contre les États-Unis. La Russie a déclaré qu’elle frapperait asymétriquement. Cela signifie que la Russie utilisera les moyens qu’elle maîtrise le mieux, y compris les cyberattaques.
Si vous vous réveillez un de ces jours prochains et que votre portail électrique est en panne et que les banques et les bourses sont fermées, vous pourrez remercier le Président Poutine et le Congrès des États-Unis pour avoir provoqué une guerre financière et cybernétique qu’aucun des deux pays ne pourra contrôler.
Pendant ce temps, la guerre commerciale avec la Chine, attendue depuis longtemps, a commencé. Il s’agit d’une guerre commerciale que le président Trump a brandit tout le temps pendant qu’il faisait campagne. Pourtant, après que Trump a pris son office en tant que président, il n’a rien fait contre les pratiques commerciales et de change chinoises. Trump n’a pas accusé la Chine de « manipuler sa devise » et n’a pas imposé de taxes sur l’acier et l’aluminium chinois vendus en dumping sur les marchés américains et mondiaux.
La raison pour laquelle Trump n’a pas agi rapidement était qu’il voulait l’aide de la Chine pour faire face au programme d’armement nucléaire et de missiles de la Corée du Nord. Si la Chine met la pression sur la Corée du Nord, Trump sera coulant avec la Chine.
Mais la Chine n’a pas tenu son rôle. Elle n’a pas agi pour faire changer le comportement de la Corée du Nord et ne le fera pas dans le futur. Maintenant Trump n’a aucune raison de se retenir. La Maison Blanche a déjà commencé à libérer son formidable arsenal d’armes commerciales contre la Chine.
L’administration Trump a clairement indiqué son intention d’imposer des taxes sur l’acier et l’aluminium chinois bon marché et de punir la Chine pour le vol de la propriété intellectuelle des États-Unis. Après cela, de plus amples mesures seront prises pour punir les banques chinoises qui aident la Corée du Nord à financer ses programmes d’armement. Les États-Unis peuvent bloquer les acquisitions d’entreprises américaines par un groupe appelé Comité d’investissement étranger aux États-Unis ou CFIUS. Ce comité a déjà bloqué plusieurs transactions chinoises et en a encore beaucoup en attente d’évaluation.
En novembre, les États-Unis colleront à la Chine l’étiquette de « manipulateur de devises », qui débutera un autre processus d’enquêtes, ce qui entraînera d’autres sanctions. À l’instar de la Russie, la Chine n’acceptera pas tout cela, mais prendra des mesures de riposte avec ses propres sanctions, taxes et interdictions des investissements américains en Chine. Préparez-vous pour une guerre financière totale entre les États-Unis et la Chine.
Cette guerre commerciale et monétaire ébranlera les marchés et provoquera un virage important dans la croissance mondiale.
L’Allemagne est également dans le collimateur en raison de son excédent commercial énorme. Trump a déjà déchiré l’accord commercial Trans-Pacifique et a informé le Canada, le Mexique et la Corée du Sud que ces accords commerciaux devaient être renégociés.
Aucun de ces partenaires commerciaux ne se tiendra coi face à cette attaque américaine contre les relations commerciales bilatérales. On peut s’attendre à une rétorsion. Une guerre commerciale à grande échelle est maintenant devant nous.
Ensuite vient la guerre réelle avec la Corée du Nord, qui va inévitablement impliquer la Russie, la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Cela équivaudrait à la troisième guerre mondiale.
Selon l’aphorisme réputé de Mark Twain, « l’histoire ne se répète pas, mais elle rime. »
Aujourd’hui, il semble que nous rejouions les années 1930. Espérons que les choses n’iront pas aussi loin qu’à l’époque. Aujourd’hui les marchés ne sont pas évalués en fonction des pires conséquences des leçons de l’histoire.
Alors que progressent les guerres monétaires, commerciales et réelles, préparez-vous à des mouvements majeurs du marché à la baisse, au fur et à mesure que la réalité de cette séquence prendra forme.
Jim Rickards
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone