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Merci Brexit : le Royaume-Uni veut normaliser ses relations avec la Russie

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The UK to Normalize Relations with Russia in a Major Policy Shift


Andrei AKULOVPar Andreï Akulov – Le 17 août 2016 – Source Strategic-Culture

Le 9 août, Vladimir Poutine et Theresa May se sont parlé pour la première fois depuis que le premier ministre britannique a pris ses fonctions et tous deux ont exprimé leur insatisfaction de l’état actuel des relations russo-britanniques.

Pendant l’appel téléphonique, qui a été provoqué par la Grande-Bretagne, les deux dirigeants ont convenu de développer un dialogue entre les organismes de sécurité sur les questions liées à la sécurité de l’aviation, et ont fait des plans pour une réunion en face-à-face dans un proche avenir. Le Premier ministre a souligné l’importance de la relation entre le Royaume-Uni et la Russie, et a exprimé l’espoir que, malgré les différences sur certaines questions, ils peuvent communiquer de manière ouverte et honnête sur les questions qui importaient le plus pour eux. Le Président de la Russie a de nouveau félicité Theresa May pour sa nomination à la magistrature suprême. Dans un autre signe d’un dégel dans les relations entre la Grande-Bretagne et la Russie le nouveau secrétaire britannique aux Affaires étrangères, Boris Johnson a téléphoné au ministre russe des Affaires étrangères Serguey Lavrov, le 12 août, et a apparemment plaidé pour une «normalisation» des relations.

Son appel confirme définitivement qu’une tentative concertée de la Grande-Bretagne, pour améliorer ses relations avec la Russie, est en cours. Dans ses articles publiés par le Daily Telegraph M. Johnson a clairement fait savoir qu’il tient à l’amélioration des relations bilatérales.

Cela pourrait annoncer le début de l’amélioration des relations entre les deux pays, qui ont été tendues au cours des dernières années, avec le Royaume-Uni poussant aux sanctions économiques contre Moscou au sujet de la Crimée redevenant partie de la Russie en 2014. Les divisions sur l’Ukraine, sur l’expansion de l’OTAN aux frontières de la Russie et sur les divergences à propos de la Syrie ont grandement détérioré les relations entre les deux pays. Bien que le Royaume-Uni et la Russie prétendent tous deux combattre l’État islamique, Londres est déçu par le soutien de la Russie au président Bachar al-Assad, alors que Moscou condamne, de son côté, le soutien de la Grande-Bretagne aux soi-disant rebelles modérés en Syrie.

Il est à noter que Mme May a confirmé l’intention du Royaume-Uni de participer aux cérémonies marquant le 75e anniversaire de l’arrivée du premier convoi britannique de la Seconde Guerre mondiale dans la ville russe d’Arkhangelsk ce mois-ci.

La Princesse royale Anne, la seule fille de la reine Elizabeth II, va assister à une série d’événements commémoratifs en Russie en l’honneur des militaires qui ont donné leur vie pour approvisionner l’URSS, sous embargo, avec des fournitures vitales transportées par les convois de l’Arctique pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les cérémonies auront lieu les 30 et 31 août. Environ 1 400 navires marchands ont fait le voyage à travers certaines des eaux les plus dangereuses du monde, accompagnés par des navires de la Royal Navy, de l’US Navy et d’autres flottes alliées.

Il convient de noter que cette évolution des événements était assez inattendue. Rien n’indiquait qu’il y aurait des mesures prises pour améliorer la relation. Cela rappelle la première apparition du premier ministre à la Chambre des communes le 18 juillet quand elle a dit que les «menaces de pays comme la Russie et la Corée du Nord restent très réelles».

Mme le Premier ministre a également dit qu’elle n’ hésiterait pas à utiliser des armes nucléaires. Ses raisons martiales étaient tout à fait compréhensibles − elle faisait de son mieux pour convaincre le Parlement qu’il est nécessaire de remplacer le programme Trident [de sous-marins nucléaires, NdT ] de la Grande-Bretagne et d’allouer £31 milliards à cette fin. Theresa May a essayé de renforcer sa réputation de «dure à cuire» capable de se rebeller, si besoin est.

Il y a une autre chose importante pour l’analyse de l’état des relations russo-britanniques. Comme ministre de l’Intérieur, Theresa May a rejeté la demande de mener une enquête publique sur l’assassinat de l’ancien espion russe Alexandre Litvinenko, mort à Londres en 2006 après avoir été empoisonné par une substance radioactive. La Russie a déclaré à plusieurs reprises que l’affaire «purement criminelle» de la mort de Litvinenko avait été politisée et l’enquête menée essentiellement derrière des portes closes, avec des documents classifiés et des témoins anonymes.

Il y a un autre aspect qui est passé largement inaperçu par les médias. Beaucoup ont été surpris par la décision inattendue de Mme May de nommer Boris Johnson en tant que ministre des Affaires étrangères, citant sa réputation de faux pas.

La Russie a été  l’un des rares pays à donner une réponse optimiste à cette nomination. «Le livre des relations russo-britanniques a longtemps été en attente de quelqu’un pour tourner la page dans l’histoire de la coopération bilatérale. Si le Foreign Office, avec son nouveau chef, a un désir dans ce sens, nous allons l’appuyer», a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Russie Maria Zakharova dans un communiqué.

L’agence de nouvelles de l’État russe a décrit Johnson comme un homme «charismatique», avec la «réputation d’avoir des mots d’esprit capables de détruire son adversaire avec un seul mot».

Il y a des raisons pour faire bouger la politique étrangère britannique. La Grande-Bretagne que nous connaissons aujourd’hui n’est pas le pays qu’elle était autrefois. La participation à la guerre en Irak pourrait être considérée comme la dernière piqûre d’une guêpe mourante où la projection de la puissance britannique est concernée. Depuis le leadership britannique marqué avec l’invasion américaine illégale de l’Irak en 2003 tout est parti en quenouille au Royaume-Uni. À l’époque, Londres pouvait raisonnablement prétendre être la deuxième puissance militaire dans le monde. Mais la défaite humiliante à Basra en 2007 a fatalement endommagé l’illusion de la poursuite de la puissance militaire britannique.

Après le vote du Brexit en juin 2016, le pays a fait face à une période de turbulence et d’instabilité. Il y a la possibilité que l’Écosse quitte le royaume. Il est fort possible que le successeur de Mme May soit connu en tant que Premier ministre d’Angleterre et du Pays de Galles, Moscou établissant une nouvelle relation avec une Écosse indépendante. L’Irlande du Nord peut se réunir avec Dublin et même Londres elle-même peut devenir une ville-État indépendante.

Des temps difficiles sont prévus pour l’économie britannique.

Certaines questions de politique étrangère brûlantes doivent être abordées de toute urgence, par exemple le statut de Gibraltar, territoire britannique d’outre-mer, entre autres.

Il serait naïf d’attendre une percée diplomatique lors de la prochaine rencontre de Mme May et M. Poutine lors du sommet du G20 des leaders mondiaux en Chine le mois prochain. Il est difficile d’imaginer le nouveau premier ministre modifier radicalement la politique étrangère britannique, y compris les relations avec la Russie. Même si le pays reste uni, il tournera sur lui-même pendant longtemps. La politique étrangère, en général, sera mise en veilleuse. Les relations avec la Russie seront, dans une grande mesure, influencées par les États-Unis, probablement encore plus qu’avant, alors que l’OTAN jouera un rôle plus important que l’Union européenne dans la définition des priorités de politique étrangère du Royaume-Uni.

Avec tout cela à l’esprit, le premier ministre a laissé savoir qu’elle veut que les relations soient dégelées. La Russie a un rôle important à jouer au Moyen-Orient avec la Grande-Bretagne profondément impliquée dans les conflits régionaux.

La Russie a le potentiel de devenir un atout important au cours de cette période de transition − non seulement comme partenaire commercial mais aussi comme un pont entre l’Orient et l’Occident. Au cours de ces dernières années, la Russie a augmenté de manière significative sa sphère d’influence en Eurasie, et aujourd’hui, elle est considérée comme un partenaire proche de la Chine et de l’Inde. Après le vote du Brexit, la position de Londres comme centre financier de l’Europe est en danger face à de nombreuses villes européennes, comme Berlin, Paris et Amsterdam, qui ont commencé des gesticulations pour prendre le relais. La Grande-Bretagne pourrait faire face à des difficultés si les négociations avec l’UE ne fonctionnent pas en douceur après que l’article 50, qui définit le droit des États membres de l’UE de se retirer de l’Union européenne, est mis en oeuvre. L’UE peut être disposée à infliger des dommages économiques au Royaume-Uni au cours des négociations sur l’article 50. Dans ces circonstances, Theresa May évaluera les options du Royaume-Uni d’établir de nouveaux ponts avec de nouveaux partenaires. Une coopération accrue avec la Russie pourrait fournir le contrepoids nécessaire, affichant l’ambition du Royaume-Uni d’ouvrir de nouvelles routes commerciales. La Russie et ses principaux partenaires ont des marchés de consommation nationaux avides de biens et produits agricoles exportés par le Royaume-Uni. Ici se trouve une vaste zone de possibilités de coopération.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’unité de vue au sujet de la Russie, ni à l’intérieur de l’OTAN, ni à l’intérieur de l’UE, et les changements sont en cours. Il y a des signes croissants que beaucoup de pays en Occident sont excédés par les tentatives inutiles pour isoler la Russie à l’échelle internationale et la faire céder sous la pression des sanctions.

Par ailleurs, une victoire de Donald Trump dans la course présidentielle américaine peut conduire à des changements drastiques mettant fin à l’impasse entre la Russie et l’Ouest.

Andreï Akulov est colonel en retraite à Moscou, il est expert pour les questions de sécurité internationale.

Traduit et édité par jj, relu par Catherine pour le Saker Francophone

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