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Dans le monde multipolaire, l’Iran ne craindra plus les sanctions américaines

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Par Moon of Alabama – Le 19 juillet 2022

Lorsque le président américain Joe Biden a récemment tenu un certain nombre de discussions au Moyen-Orient, l’Iran était l’un des sujets à l’ordre du jour. Les États-Unis ont clairement indiqué qu’ils ne souhaitaient pas revenir à l’accord nucléaire conclu avec l’Iran. Au lieu de cela, ils tentent à nouveau une stratégie de « pression maximale » pour pousser l’Iran à faire des concessions supplémentaires.

L’Iran a clairement fait savoir qu’il n’y en aurait pas d’autres que celles qu’il avait faites dans l’accord initial. Biden a ensuite tenté de former une coalition anti-Iran avec Israël et les régimes du Golfe Persique. Les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont rejeté cette idée :

Le ministre saoudien des affaires étrangères a jeté un froid sur toute normalisation imminente avec Israël, affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un prélude à d’autres mesures. Il a déclaré que Riyad ne faisait partie d’aucune discussion sur une alliance de défense golfo-israélienne pour contrer l’Iran.

Tous les pays du CCG discutent avec l’Iran pour normaliser leurs relations.

L’Iran bénéficiera du nouveau monde multipolaire. Il cherche à s’allier avec le bloc Russie et Chine, en ajoutant des relations avec une Inde neutre. L’année dernière, l’Iran est devenu un membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai. Cette année, il a demandé à faire partie des BRICS.

Le mois dernier, le ministre iranien des affaires étrangères s’est rendu en Inde :

Amir-Abdollahian a également conversé avec le Premier ministre indien Narendra Modi, un privilège qui n’est pas accordé à tous les ministres des affaires étrangères en visite. Tweetant sur la rencontre, Modi a souligné comment « les relations ont bénéficié mutuellement aux deux pays et ont favorisé la sécurité et la prospérité régionales. »

Le communiqué officiel publié par le ministère des Affaires étrangères souligne l’échange de vues sur des questions importantes comme l’accord sur le nucléaire iranien, le conflit en Ukraine et la situation en Afghanistan. L’Inde « a apprécié le rôle de l’Iran dans la facilitation de l’assistance médicale de l’Inde à l’Afghanistan, y compris la fourniture de vaccins COVID-19 aux ressortissants afghans résidant en Iran. » En outre, toutes les questions bilatérales, y compris la coopération dans le domaine de la connectivité régionale et les progrès réalisés au port de Chabahar, ont été passées en revue. Se montrant confiant quant aux résultats de la visite, le ministre iranien des affaires étrangères a déclaré que « la préparation d’une feuille de route pour la coopération stratégique entre l’Iran et l’Inde peut réguler les relations à long terme et les protéger de l’impact de facteurs destructeurs. »

Il y a quelques mois, l’Iran signait un nouvel accord de transport avec son voisin du nord, l’Azerbaïdjan. Cet accord sera bénéfique pour les deux parties :

Le 11 mars, l’Azerbaïdjan et l’Iran ont signé un protocole d’accord sur l’établissement de lignes ferroviaires, autoroutières, de communication et d’approvisionnement en énergie reliant la région économique du Zangezur oriental de l’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan à travers le territoire de l’Iran. Selon le document, il est prévu de construire quatre ponts sur la rivière Araz et deux voies ferrées et de développer les infrastructures de communication et d’approvisionnement en énergie pour établir un nouveau corridor.

L’amélioration des relations avec l’Azerbaïdjan permettra également d’ouvrir un corridor ferroviaire vers la Russie.

Une autre nouvelle route commerciale a enfin été ouverte pour relier l’Inde à la Russie via l’Iran.

Ce projet était en suspens depuis de nombreuses années, mais il a finalement été réactivé ce mois-ci :

Une cargaison à destination de l’Inde, envoyée de Russie par le corridor international de transport Nord-Sud (CITNS), a atteint la gare de Sarkhas en Iran, le 13 juillet. De la gare, la cargaison se rendra au port de Bandar Abbas, dans le sud de l’Iran, puis rejoindra l’Inde via la mer d’Oman.

La cargaison a quitté la gare de Chekhov en Russie le 6 juillet et a été reçue par une équipe de ministres iraniens.

Qu’est-ce que le CITNS ?

Le CITNS est un réseau de transport de 7 200 km de long offrant la voie de connectivité la plus courte à ses États membres. Il a été créé le 12 septembre 2000 par l’Iran, la Russie et l’Inde. Le corridor englobe des voies maritimes, routières et ferroviaires.

Le principal objectif du corridor est de réduire les coûts de transport et le temps de transit entre l’Inde et la Russie. Le temps de transit devrait être réduit de près de moitié lorsque le corridor sera pleinement opérationnel.

À l’avenir, la route ira de l’Inde à Chabahar, un port du sud-est de l’Iran que l’Inde a contribué à construire. De là, les marchandises seront acheminées par rail vers le nord jusqu’à la mer Caspienne, puis par bateau directement vers la Russie. Cela raccourcira encore plus le trajet et mettra fin à toute dépendance vis-à-vis d’autres partenaires.

Mais la plus grande nouvelle pour l’Iran est un nouvel accord avec la société russe Gazprom, signé aujourd’hui :

La National Iranian Oil Company (NIOC) et le producteur de gaz russe Gazprom ont signé mardi un protocole d’accord d’une valeur d’environ 40 milliards de dollars, a rapporté SHANA, l’agence de presse du ministère iranien du pétrole.

L’accord a été signé lors d’une cérémonie en ligne tenue par les PDG des deux sociétés, le jour où le président russe Vladimir Poutine est arrivé à Téhéran pour un sommet avec ses homologues iranien et turc.

Gazprom aidera la NIOC à développer les champs gaziers de Kish et de North Pars ainsi que six champs pétroliers, selon SHANA. Gazprom participera également à la réalisation de projets de gaz naturel liquéfié (GNL) et à la construction de gazoducs d’exportation.

L’Iran possède les deuxièmes plus grandes réserves de gaz au monde après la Russie, mais les sanctions américaines ont entravé l’accès à la technologie et ralenti le développement des exportations de gaz.

Gazprom est un partenaire solide et ne peut pas être entravé par les sanctions américaines. L’Iran pourra enfin exporter une plus grande partie de son abondant gaz. La Russie aura également la possibilité de travailler avec l’Iran pour maintenir les prix à un certain niveau. Un accord d’une telle ampleur s’accompagne également d’une protection. L’Iran pourra faire appel à la Russie si quelqu’un entame des hostilités contre lui.

Lorsque l’Iran produira suffisamment de gaz, il pourra également relancer le vieux projet de gazoduc vers l’Inde. Celui-ci pourrait passer par le Pakistan ou, comme l’Inde le préférerait probablement, par un gazoduc sous-marin :

Un gazoduc sous-marin de 1 300 km partant de l’Iran et évitant les eaux pakistanaises peut acheminer le gaz naturel du golfe Persique vers l’Inde à un prix inférieur à celui du gaz naturel liquéfié disponible sur le marché au comptant, ont déclaré mardi les partisans du gazoduc.

En publiant une étude sur le gazoduc Iran-Inde, l’ancien secrétaire au pétrole T.N.R. Rao a déclaré que le gaz naturel importé par ce gazoduc, d’une valeur de plus de 4 milliards de dollars, coûterait 5-5,50 $ par million d’unités thermiques britanniques sur la côte indienne, moins cher que le taux auquel certains des champs domestiques fournissent du gaz.

Malgré les sanctions américaines, l’Iran s’intègre à nouveau pleinement dans sa région. C’est un grand succès et les accords sur le gaz et le transit aideront son économie à faire des progrès, même si les États-Unis ajoutent de nouvelles sanctions. La Russie, l’Inde et la Chine sont des partenaires qui peuvent et veulent ignorer ces dernières.

L’Iran a désormais la capacité de produire suffisamment de matériel nucléaire pour fabriquer un certain nombre de bombes. Il n’utilisera pas cette capacité car son idéologie religieuse interdit la fabrication et l’utilisation de telles armes. Mais il s’agit d’une menace latente qui peut être utilisée pour dissuader Israël et les États-Unis de toute attaque.

Le fait que Trump ait quitté l’accord nucléaire était stupide. Que Biden ne l’ait pas relancé immédiatement après son entrée en fonction était encore plus stupide. Rester maintenant en dehors de l’accord, seulement pour maintenir des sanctions stupides contre le Corps des gardiens de la révolution iranienne, est la mesure la plus stupide que je puisse imaginer.

Washington n’a pas encore compris qu’il a perdu sa position unipolaire qui rendait possibles les sanctions internationales qui ont conduit à l’accord nucléaire avec l’Iran. Dans le monde multipolaire qui existe désormais, l’Iran peut se développer comme il l’entend. D’autres pays ignoreront désormais les sanctions américaines ou européennes et la menace de celles-ci n’est plus utile. D’autres pays isolés par les États-Unis, comme le Venezuela, la Corée du Nord, Cuba et la Syrie, trouveront également de nouvelles voies et alliances pour améliorer leur position.

Dans son livre The Great Chessboard, l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Zbigniew Brzeziński, a écrit :

Potentiellement, le scénario le plus dangereux [pour l’Amérique] serait une grande coalition de la Chine, de la Russie et peut-être de l’Iran, une coalition « anti-hégémonique » unie non pas par une idéologie mais par des griefs complémentaires.

Joe Biden a finalement réussi à créer cela.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.


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