Par Moon of Alabama – Le 24 juin 2020
Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, fait pression sur les Nations Unies pour prolonger l’embargo sur les armes mis en place contre l’Iran. Dans le cadre du Plan d’action global conjoint, qui a résolu la question du programme nucléaire civil de l’Iran, l’embargo actuel sur les armes doit être levé en octobre.
Les États-Unis, qui ont quitté l’accord sur le nucléaire iranien, utilisent des arguments absurdes pour que l’embargo se poursuive. Les autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU, qui ont un droit de veto, rejetteront évidemment cette initiative. Les actions de Pompeo n’ont pas pour but de parvenir à quelque chose. Il s’agit d’une action de campagne électorale destinée à un public national.
Une partie de cette campagne menée par Pompeo est faite pour donner une image d’un « Iran qui fait peur ».
En voici un exemple :
Secrétaire Pompeo @SecPompeo - 16:59 UTC - 23 juin 2020 Si l'embargo des Nations unies sur les armes à destination de l'Iran expire en octobre, l'Iran pourra acheter de nouveaux avions de combat comme le SU-30 russe et le J-10 chinois. Avec ces avions hautement meurtriers, l'Europe et l'Asie pourraient être dans le collimateur de l'Iran. Les États-Unis ne laisseront jamais cela se produire.
Le tweet est accompagné d’une carte qui indique la distance maximale que peuvent parcourir les avions que l’Iran pourrait acheter, jusqu’à ce qu’ils tombent en panne de carburant.
Pompeo suggère que l’Iran va dépenser des dizaines de millions pour acheter des avions, les faire voler sans problèmes en franchissant la protection radar de plusieurs pays, et laisser des pilotes kamikazes iraniens s’écraser, [par manque de carburant, NdT] sur un temple népalais.
Cela n’a aucun sens. Aucun homme politique étranger ne sera impressionné par ce genre « d’argument ». Le tweet de Pompeo est destiné à la population étasunienne.
Aux Nations unies, les États-Unis tentent d’obtenir une nouvelle résolution pour prolonger l’embargo sur les armes vendues à l’Iran :
L'administration du président américain Donald Trump a présenté un projet de résolution très attendu au Conseil de sécurité de l'ONU (CSNU) prolongeant un embargo sur les armes à destination de l'Iran qui doit expirer en octobre, ouvrant la voie à un affrontement entre grandes puissances et à un probable veto au sein du principal organe de sécurité de l'ONU, selon une copie du projet obtenue par Foreign Policy. ... Si ce projet est adopté, la résolution relèverait du chapitre VII de la charte des Nations unies, ce qui la rendrait juridiquement contraignante et exécutoire. Mais la mesure américaine, selon plusieurs diplomates du Conseil de sécurité de l'ONU, a peu de chances d'être adoptée par le conseil des 15 nations. ... Certains diplomates du Conseil et d'autres experts en matière de non-prolifération analysent cette décision américaine comme un moyen de marquer des points en politiques intérieure, et non pas pour contrer les activités déstabilisatrices de l'Iran dans la région. "Le sceptique en moi dit que l'objectif de cet exercice est d’utiliser cette résolution d'embargo sur les armes, et quand elle échouera, d'utiliser cela comme excuse pour obtenir un retour à l'embargo, et si cela échoue aussi, de l'utiliser comme un argument politique pour la campagne électorale", a déclaré Mark Fitzpatrick, un ancien fonctionnaire du Département d'État chargé de la non-prolifération qui travaille maintenant à l'Institut international d'études stratégiques. Comme il est presque certain que la Chine et la Russie ignoreront tout embargo sur les armes imposé à l'ONU à cause des manœuvres américaines, l'impact réel sur la capacité de l'Iran à causer des méfaits sera minime, explique-t-il. "Il ne s'agit pas vraiment d'empêcher le pays d’acheter des armes à la Chine et la Russie, il s'agit d’avancer un argument politique", dit-il.
Nous avons déjà expliqué que les États-Unis n’ont pas la possibilité de réimposer les sanctions. La Russie et la Chine ont également clarifié ce point :
Le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov et le diplomate chinois Wang Yi ont tous deux écrit au conseil des 15 membres et au chef de l'ONU, Antonio Guterres, alors que les États-Unis menacent de déclencher un soi-disant retour de sanctions dans le cadre de l'accord sur le nucléaire iranien, alors même que Washington a quitté l'accord en 2018. Lavrov a écrit dans la lettre du 27 mai, rendue publique cette semaine, que les États-Unis étaient "ridicules et irresponsables". "C'est absolument inacceptable et cela ne fait que rappeler le célèbre proverbe disant qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre", a écrit Lavrov. Washington a menacé de déclencher un retour des sanctions de l'ONU contre l'Iran si le Conseil de sécurité ne prolonge pas un embargo sur les armes qui doit expirer en octobre en vertu de l'accord de Téhéran avec les puissances mondiales pour l'empêcher de développer des armes nucléaires. ... Lavrov a cité un avis de la Cour internationale de justice de 1971, qui a estimé qu'un principe fondamental régissant les relations internationales était qu'"une partie qui renie ou ne remplit pas ses propres obligations ne peut être reconnue comme conservant les droits qu'elle pouvait tirer de cet accord".
Malgré l’échec évident à convaincre les autres, les États-Unis continuent de présenter des arguments stupides :
La Russie et la Chine seront isolées aux Nations unies si elles continuent sur la "voie de la dystopie" en bloquant une tentative américaine de prolonger l'interdiction de vente d’armes à l’Iran, a déclaré à Reuters l'envoyé américain pour l’Iran, Brian Hook, avant de présenter officiellement sa demande d’embargo au Conseil de sécurité de l'ONU, mercredi. ... "Nous voyons un fossé se creuser entre la Russie et la Chine d’un côté et la communauté internationale de l’autre", a déclaré M. Hook dans une interview à Reuters mardi soir.
Les États-Unis ont quitté l’accord sur le nucléaire iranien et ne peuvent pas revendiquer le droit, en vertu de cet accord, de revenir sur les sanctions que l’accord a levées. Ce sont les États-Unis qui se sont isolés. Même leurs alliés ne soutiennent pas cette tentative :
"Nous sommes fermement convaincus que toute tentative unilatérale de déclencher des sanctions à l'ONU aurait de graves conséquences négatives au sein du Conseil de sécurité", ont déclaré les ministres des affaires étrangères anglais, français et allemand dans une déclaration faite le 19 juin. "Nous ne soutiendrons pas une telle décision qui serait incompatible avec nos efforts actuels pour préserver l’accord iranien".
La politique de Trump contre l’Iran a échoué. Il a tenté une campagne de « pression maximale » pour faire chanter l’Iran et obtenir plus de concessions. Mais en dépit des sanctions et des problèmes économiques qu’elles entraînent, l’Iran n’est pas disposé à discuter avec lui. Les conditions de ce pays pour engager des discussions sont claires :
"Nous n'avons aucun problème pour discuter avec les États-Unis, mais seulement si Washington remplit ses obligations dans le cadre de l'accord nucléaire, s'excuse et compense Téhéran pour son retrait de l'accord", a déclaré Rouhani dans un discours télévisé.
La politique étrangère américaine au Moyen-Orient, y compris les nouvelles sanctions contre la Syrie en vertu du Caesar Act, ont aidé l’Iran à renforcer sa position :
L'Iran récolte d'énormes bénéfices, notamment des alliés plus robustes et des bastions de résistance supplémentaires en raison de la mauvaise politique américaine au Moyen-Orient. Motivé par la menace de l'application du Caesar Act, l'Iran a préparé une série de mesures pour vendre son pétrole et financer ses alliés, compensant ainsi l'épuisement de ses réserves en devises étrangères. Les entreprises iraniennes ont trouvé en Syrie un paradis pour les investissements stratégiques et ont offert l'alternative nécessaire à une économie syrienne paralysée par les sanctions et neuf années de guerre. L'Iran considère la Syrie comme un terrain fertile pour développer son commerce et ses affaires, comme jamais auparavant.
Avec l’influence croissante de l’Iran et la Russie s’imposant, même avec des alliés américains autrefois fidèles comme l’Arabie Saoudite, il semble que l’influence des États-Unis au Moyen-Orient soit vraiment en train de se réduire de manière décisive.
Quoi que dise ou tweete Pompeo-le-pompeux cela ne changera rien à cette situation. Mais, à chaque minute, naît un nouveau pigeon. Certains d’entre eux peuvent encore tomber dans le panneau.
Moon of Alabama
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Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone